Je vais vous parler d’un écrivain rare dont je n’ai lu qu’un seul recueil de nouvelles il y a trente ans, mais qui reste ineffaçable. Je viens de relire ce volume et y retrouve la même magie.Reynolds Price obtint le Prix faulkner du meilleur premier roman en 1962,l’année de la mort de Faulkner.Price est un styliste de premier ordre. selon les américains il écrit un des plus beaux anglais qui soient.

Son titre : »Les noms et visages de héros ».
Publié aux Etats-unis en 1958, traduit par Maurice- Edgar Coindreau-le premier traducteur de Faulkner- ,ce recueil rassemble sept nouvelles, de longueurs inégales. La première « une chaine d’amour » raconte une famille rassemblée dans une clinique de Caroline du nord. les enfants viennent se relayer au chevet d’un père malade. Il y a Milo, Rosacoke, Horatio ; ceux qui veillent le père sont intrigués par ce qui se passe de l’autre côté du couloir. On a installé dans la chambre vide « un grand type », et depuis une mystérieuse porte s’ouvre et se ferme laissant passer infirmières, médecins, et membres de cette famille cloitrées et mystérieuse . Donc chacun des enfants essaient d’en savoir plus.ils obtiennent des bribes de confidences auprès du personnel médical.les heures passent, les veilles la nuit, l’alternance de vide, de repos et de soudaines précipitations du personnel hospitalier autour de cette chambre ponctuent le récit ;on murmure que cet homme vient de subir une grave opération (on lui a enlevé un poumon) et qu’il a peu de jours à vivre…. Ce récit linéaire est truffé de réminiscences, d’incises, d émotions fugitives, d’allusions au passé familial. Cettte prose est constituée d’un souple glissé d’images et de d’un chuchotement intérieur, de réminiscences subjectives, d’allusions ; cela forme un tissage étonnant, imprévisible, une sorte d étoffe de mots très riche, qui suggère tout un bruissement d’humanité, de compassion, d’allusions. Ce style si particulier forme un murmure de prose hypnotisant, si la voix proche du narrateur nous faisait partager des secrets et des réflexions subtiles et riche de secrets et de non dits… Il y a une merveilleuse » musique » Price qu’on devine à travers la traduction que les critiques littéraires américains qualifient d »’un des plus beaux styles qui soit », « avec les archaïques et envoûtantes cadences de la Bible du roi Jacques » dixit un critique de renom.
Je ne sais pas d’où vient cette prose aussi raffinée, mais elle laisse une trace d’humanité tchekhovienne et porte une compréhension empathique exceptionnelle dans ses exactitudes et ses suggestions.. les liens familiaux difficiles sont au centre de ces 7 nouvelles avec des allusions aux généalogies qui sentent à la fois la Bible et ses malédictions et les destins faulknériens…. La dernière nouvelle qui clot le volume expose le monologue d’un enfant de dix ans, qui est assis à côté de son père, dans une Pontiac roulant en pleine nuit . l’enfant cherche à connaitre un héros pour l’imiter, depuis le général Mac arthur jusqu’à Alexndre le Grand. Mais cette recherche d’un visage et d’un nom de héros entraine le lecteurdans un examen examen de conscience tourmenté, et enclenche toute une thématique de la solitude, des craintes infantiles, de toutes les peurs et terreurs et tabous que la psychanalyse essaie de mettre à jour. On est littéralement envahi et enveloppé par le trouble du garçonnet à côté de la présence paternelle qui dégage une puissance quasi divine et rend l’enfant inconsolable. Souvent ,chez Price un être fragile et démuni veut faire le Bien et découvre son impuissance face à la brutalité de la société(voir la nouvelle « Michael Egerton ») .Il découvre la puissance du Mal ,au sens religieux dans cette région de Caroline du nord où les pasteurs de l’église Baptiste règnent sur la population noire et blanche.…. dans chaque nouvelle y a collisions des temps, parfois émiettement de la chronologie d’une manière virtuose et qui peut déconcerter les lecteurs trop cartésiens ou pressés. Price , avec sa minutieuse construction horlogère, oblige à ralentir la lecture. Il y a du poète en lui… c’est vrai il exige une grande attention à la lecture..mais quelle récompense!..
Longue vie à ce nouveau blog, Paul !
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merci Jazzi le fidèle des fidèles et excellent critique de cinéma
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le prochain texte sera sur « le feu follet » de Drieu la Rochelle
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Oh! 😉
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De Price j’ai lu, il y a longtemps de là, A long and happy life et Good Hearts. Acheté A Whole New Life, mais pas encore lu, peut-être jamais, car la nature de l’incident qui l’a laissé paraplégique me dérange.
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excellents textes.
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Petit test initiatique.
Pour mes héros à 10 ans, il faut plutôt chercher vers Robin des bois, d’Artagnan ou Lagardère que vers MacArthur.
Pour Alexandre c’était trop tôt, le programme de 6ème m’entrainait vers les Hittites ou les Assyriens (Assurbanipal, rien que le prononcer fait rêver)
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Très subtile lecture passée inaperçue parce que le blog était en chantier. Il me semble que vous aviez évoqué Reynolds Price sur votre ancien blog.
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oui, Christiane, mais j’avais trouvé à l’ époque que ce très grand écrivain du Sud, génération après celle de Faulkner, méritait qu’on revienne en parler ; c’est en hommage que je l’ai inscrit en ouverture de ce nouveau blog..d’autant que,lorsque j’avais 19 ans, l’ayant lu et étnt bluffé par son style, , c’est lui qui ma donné envie décrire mon premier récit « le congé »qui m’a fait remarquer chez Gallimard.. donc je lui dois beaucoup..et plus tard Maurice Nadeau m’avait demandé d ‘écrire sur Price dans « Les lettres nouvelles »..Voici ce qu’en dit Pétillon dans son « histoire de la littérature américaine » :
« Price est un styliste de premier ordre.Il écrit un des plus beaux anglais qui soient,une prose proche des archaïques et envoutantes cadences de la Bible du roi Jacques , et en même temps musclée et flexible qui rappelle souvent le meilleur Updike. »
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« La dernière nouvelle qui clot le volume expose le monologue d’un enfant de dix ans, qui est assis à côté de son père, dans une Pontiac roulant en pleine nuit . l’enfant cherche à connaitre un héros pour l’imiter, »
Je connais cette nouvelle. Je l’ai lue il y a quelques années. Je me souviens de l’enfant blotti sur les genoux de son père qui conduit et qui voit défiler un paysage de nuit. Je me souviens de la tristesse que j’éprouvais en la lisant mais pas des détails de la nouvelle… Un livre que j’avais dû emprunter à la biblioyhèque… ou lu chez un ami… Tout cela est loin… mais lisant votre billet, Reynolds Price me revient par la douceur vénéneuse d’une écriture qui enveloppe pour mieux désespérer.
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