J’ai laissé hier soir la fenêtre ouverte pour savourer la douceur de l’air de ce mois d’octobre. La vie lente et modeste du quartier avec ses ruelles silencieuses et pierreuses. Parfois le chuintement d’une voiture qui passe au ralenti.
Le téléphone sonne à zone heures. Un de mes amis, bon écrivain, a fini ce soir un roman sur lequel il travaille depuis plus d’un an , chaque nuit. Il m’appelle pour me confier qu’il a mis le mot Fin à la page 310 de son manuscrit. Il a bien sûr l’impression que ce tas de feuillets raturés ne contient rien d’intéressant. Une fois de plus, le sentiment que ses phrases charrient un fleuve de banalités et des sentiments de grisaille .On commence un roman dans l’ivresse, on s’exalte avec un plan du tonnerre de Dieu, des notes dans un carnet, on rêve d’un feu d’artifice, une grande pétarade de mots, des folies de personnages, une fête sur 3OO pages et ça s’achève dans un sentiment confus mais lancinant de déception et de demi-échec. Mon ami en est là. Il se dirige vers son armoire à pharmacie. Chaque livre achevé se signale chez lui par une déroute physique. Toujours. Il a mal à l’estomac. J’ai fait la même expérience. Je l’ai souvent constaté, quand on finit un livre, on tombe malade : angine, lumbago, rage de dents, migraines, rhume, trous dans l’estomac, fièvre bizarre, furoncles, palpitations. Ou on se tord une cheville la veille d’un rendez-vous avec son éditeur.. J’imagine que tous ceux qui ont publié en septembre sont aussi soumis à des maux passagers.

Depuis un mois, avec la fin de l’été, je ne lis que du théâtre, la nuit, Tchekhov bien sûr. Ce besoin que j’ai de famille russe qui rit pleure, se souvient, s’étreint, se console, se déchire, se réconcilie, fume le cigare, parle de Moscou avec nostalgie, dit des bêtises, flirte ou s’ennuie, passe du salon au jardin. Chacun se demande pourquoi tantôt le monde est merveilleux, et une heure après si ennuyeux. Bref, à chaque ligne, il émeut chuchote, confesse ce qu’on ne savait pas exprimer. On a toujours l’impression que les chevaux sont prêts à partir pour Moscou illuminé ou pour la Mer Noire et un possible grand amour avec une dame au petit chien.
Tchekhov console, ravit, redonne confiance ; c’est un grand frère. J’écoute les vagues lentes déferler de manière monotone
Le ruissellement lent de nos vies coule avec douceur entre ses pages. Quand on le lit la chambre bruisse d’une vie tendre et généreuse, ses personnages hommes, femmes, vieillards, paysans, universitaires casse pieds flirtent, rient, pleurent, ou bien errent avec un cachet et un verre d’eau à la main au milieu de la nuit. Ma chambre, le couloir, la salle de bain, la cuisine s’emplissent de ces chers fantômes qui nous accompagnent avec l’endormissement et la fraicheur de l’oreiller.
Le vent froid venant vers minuit, j’ai fermé les fenêtres, suivi par les deux chats. Regardé et même contemplé avec ravissement les draps des lits bien tendus. Leur étendue blanche me fascine. Un beau paysage tranquille. Une plaine avec des plis de silence.. Et je me couche en me demandant comment les dialogues chez Tchekhov, imprévisibles, sont si déconcertants de naturel. J’ai l’impression, que, nous en 2021, quand nous parlons, nous avons de la boue dans la bouche.
En rouvrant « les trois sœurs » dans le cercle de la lampe de chevet je sens le discret froissement des robes des femmes. Je circule parmi les sœurs, oncles, cousins, voisins, fiancés, soupirants, ils s’embrassent, parlent, jacassent, baillent, marmonnent à propos de pêche, du bois à rentrer. Les pages de mon vieux pléiade ruissellent de bienfaisance. Certaines phrases restent si mystérieuses de simplicité qu’elles m’accompagnent dans le creux de la nuit comme des cailloux veinés de bleu.
Sacré Nabo.. Le meilleur russe serait donc un bon à rien. Et c’est ainsi que les dieux jalousent les hommes
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Nabokov parle intelligemment de Tchekhov. dans ses cours de littérature(2 volumes en poche biblio) indispensables pour connaitre la littérature russe. Ou James Joyce.
Son analyse de « la mouette » est vraiment excellente. Il parle de « son humour calme qui imprègne la grisaille des vies qu’il crée ». Il note aussi que dans son théâtre il se faisait l’interprète d’un personnage unique en Russie, avant la révolution de 17, c’est « le type de l’intellectuel russe, de l’idéaliste russe, créature bizarre et pathétique peu connue à l’étranger ». Il s’agit, dit-il « de l’intellectuel qui « alliait le respect humain le plus profond à l’incapacité quasi ridicule de mettre en pratique ses idéaux et ses principes, un homme dévoué à la cause de la beauté morale, ayant à cœur le bien de son peuple, le bien de l’univers, mais incapable de faire quoi que ce soit d’utile dans sa vie privée, gaspillant son existence provinciale dans une brume de rêves utopiques, sachant parfaitement reconnaitre ce qui est bon, ce qui vaut la peine d’être vécu, mais sombrant en même temps dans la boue d’une existence monotone, malheureux en amour, irrémédiablement inefficace-un homme bon qui ne peut rien faire de bon. »
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Revenons à Tchekhov.
si j’ouvre, par exemple, « la Mouette » de Tchekhov, pièce dans laquelle, pourtant, les personnages ratent leurs amours et connaissent des moments d’ennui , il est facile de s’identifier à chaque personnage, au médecin Dorn, à Sorine, ou à l‘écrivain Trigorine, ou à Nina.Ce qui les rend touchants et vrais c’est qu’ils gardent une liberté de l’instant, des sentiments vrais, un franc parler, des élans soudains, des mauvaises humeurs ou des bouffées de joie. je les préfère dans leurs moments de vide, de fatigue ou de lassitude,ce qui les pousse vers de curieux songe.. ils se demandent , comme Trigorine, s’ils vivent dans une comédie ou dans une tragédie.. et ces questions sans réponse qui les taraudent- comme elles nous taraudent- sur le sens de nos vies, de nos actes , s’expriment avec des phrases simples, qui ont une évidence sui nous frappe.. Il y a là un mélange de mélancolie , de spontanéité, de chagrins bizarres, d’élans mal contrôlés, de maladresses soudaines, de bavardages sans trop de contrôle, comme on pourrait en livrer , un soir, à table, quand on se sent en confiance et en veine de confidence avec un ami ou une amie.
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C’est vrai . Soulignons particulièrement le Cinquieme !
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MC, j’ai choisi cinq noms!
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Paul Edel. Aucun William Irish ? Et , domaine français,Aucun Paul Gerard, dont on serait bien inspiré de relire La Javanaise? Voire même aucun Exbrayat, ceux de la veine de Pour Belinda?
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5 Romans noirs que j’aime
1)David Goodis, « Sans espoir de retour » serie noire. Sublime !et ses nouvelles.Selon François Guérif dans le Dictionnaire des littératures policières « David Goodis dit un jour à Helen Scoot, l’amie de François Truffaut : « Je n’écris pas de romans policiers, mais des mélodrames où il y a de l’action ». Sans espoir de retour est un de ces mélos sublimes (au même titre que Tirez sur le pianiste, La Lune dans le caniveau ou Cassidy’s Girl), hanté par un personnage déchu dont la descente aux enfers bouleverse le lecteur. Chez Goodis, le noir c’est déchirant.
2)« Ville sans loi » de Jim Thomson. Rivages éditeur
3) John Trinian , « la baleine scandaleuse » (série noire)
4) « Un linceul n’a pas de poches » de Horace Mac Coy Série Noire(l’auteur de « on n’achève bien les chevaux »,autre chef d’œuvre)
5) « Exit » de Paul Clement, Série Noire
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(en consultant rapidement mes mails, je suis tombée sur une photo de Nastassja Kinsky (qui en est à participer à des émissions, dynamiques cela dit, genre « Danse avec les stars » … Mais Nasstassja de mes souvenirs de cinéma tu es, Natassja de mes souvenirs de cinéma tu restes, et je te pardonne) qui m’a conduite >> Beineix >> vers La lune dans le caniveau >> David Goodis) d’où ma question.
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Encore 8 mois d’ici le 1er tour et d’ici là, il peut se produire tant de choses, tant d’évènements. donc ce que voit Madame Irma Houellebecq dans sa boule de Cristal, moi …
Dites-moi plutôt, vous qui passez par ici : pouvez-vous me lister vos 5 romans noirs ou policier favoris ?
De fait, je viens de m’apercevoir que je n’ai jamais lu un David Goodis …
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Présent au Salon du Livre de Turin, Houellebecq a annoncé au public qu’il était en train d’achever un roman. il a fait une prédiction pour les prochaines élections présidentielles françaises dans six mois:
«Non ci sarà nessuna sorpresa, vincerà Macron al secondo turno, contro un candidato forte della destra, che non sarà né Éric Zemmour né Marine Le Pen».
Pas la peine de traduire, tout le monde a compris.
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Pour « Guermantes », c’est ici Margotte
https://www.lelezarddeparis.fr/profession-comediens
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Van Worden. Sans vouloir compliquer, il y a peut être dans la phrase de Peladan une syllepse d’ailleurs amusante si elle se vérifie. « Le grand air patricien »pourrait renvoyer à Très Haut et très Puissant Sire de Barbe Bleue, et désigner autant l’allure du personnage que la musique d’ Offenbach, dont les librettistes mettent bien dans la bouche du héros éponyme de Barbe-Bleue l’expression « et Ni-ni , c’est fini », peu après la fausse mort de Boulotte. Ce n’est pas à proprement parler un air, c’est tout de même plus qu’un simple récitatif. Il y a à suivre trois roulades vocales et une fin sur le leitmotiv bouffe qui accompagne Barbe-Bleue durant toute la pièce. Si cette supposition est fondée, il faudrait voir si la situation ne l’a justifie pas. On aurait alors un clin d’œil musical louchant vers l’opéra bouffe, ce qui n’est pas si inattendu de la part d’un assidu du Chat Noir, comme vous le rappeliez. Bien à vous. MC
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Je ne sais pas cela, Margotte ; mais en attendant la réponse de Paul Edel, & même si c’est là m’avancer bien imprudemment, il me semble qu’un tel geste ne ressemblerait pas à Tchekhov.
Garder une pièce ds un tiroir (Ce fou de Platonov), oui.
Couper, élaguer, ou modifier en fonction des besoins spécifiques de la scène, oui.
Reprendre un projet de pièce & le transformer en nouvelle(s), ou pester qu’il ne soit plus temps de le faire (7/12/1896 à Souvorine : « Voilà des sujets fichus, fichus en vain, avec scandale et de manière improductive. »), oui.
Déclarer qu’on ne l’y reprendra plus (à vouloir écrire pour le théâtre), oui.
(Ds une lettre à une actrice qu’il admire, Komissarjevskaïa : « Quoi qu’il en soit, je n’ai plus envie d’écrire de pièces. Le théâtre de Saint-Pétersbourg m’en a guéri. » (19 janvier 1899, alors que La Mouette a été bien mieux reçue à Moscou.)
(Puis retrouver l’envie d’écrire une pièce, qui sera La Cerisaie, après la lecture d’un article (sur La Mouette) ds la revue de Diaghilev, Le Monde l’art.)
Ce qu’il écrit dès 1888, lorsque Chtcheglov (Leontiev) le consulte à ce propos, me paraît éclairant :
« Vous voulez vous consacrer entièrement à la scène — c’est bien, le gain en vaut la dépense et le jeu la chandelle, mais… aurez-vous assez de forces ? Il faut beaucoup d’énergie nerveuse et de constance pour assumer la charge d’auteur dramatique russe. […] En effet, chez tout dramaturge (de profession, ce que vous voulez être); huit pièces sur dix sont des ratages, il faut affronter l’insuccès, et l’insuccès dure parfois des années, aurez-vous la force de vous y faire ? Vous avez tendance, du fait de votre nervosité, à tout prendre au pied de la lettre. »
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Margotte . Il existe aussi un Maupassant rosse, dans la tradition de l’humour de l’époque. C’est de celui-là dont je parlais. Pour la pairie d’Eugene de Rastignac, mes sources donnent 45 ans. L’allusion au Roi sous-entend qu’il a été sous Louis-Philippe, ce qui ne manque pas de piquant puisque ce dernier avait d’abord pensé à s’en débarrasser ! Je dispose d’ un annuaire des parlementaires des années 1831, produit par le gouvernement, où revient en bas de presque chaque portrait,comme une antienne la phrase « il votera l’abolition de la Chambre des Pairs ». Ce qui est intéressant c’est que ledit Rastignac y est comme dans un placard doré.! Il s’y ennuie dit-on dans , je crois, les Comédiens sans le savoir, Sur l’âge de la chambre des Pairs, quarante-cinq ou quarante-huit parait assez jeune compte tenu qu’elle abrite des Contemporains de Louis XVI: peut-être le Comte Simeon, sûrement Semonville , et que le doyen de l’ autre chambre – il me semble que c’est Dupont de L’ Eure, à franchi ou va franchir les quatre vingts ans. Il faudrait voir si cette tendance au rajeunissement des cadres déborde le seul cas Rastignac. Louis Philippe ne pouvait pas ne pas savoir ce qu’une chambre ultra vieillie ramenee de l’exil avait coûté à ses deux prédécesseurs. Des rapports pertinents avaient été produits notamment par le Baron Cottu pour intégrer sur le modèle anglais une part plus large de la société et les Ministères Guizot et Casimir Perier se tournaient vers la société civile, pour ne rien dire de Thiers « modele » du personnage dont nous parlons. Bien à vous. MC
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Je ne manquerai pas de saluer tous ceux du Manuscrit! Pour Péladan. Je ne connais pas son oeuvre sous ce pseudonyme. Mais il est vrai que, parfois, le lutin boulevardier, voir le collaborateur du Chat Noir perce sous le Mââge. Exemple. Le Vice Suprême chapitre VIII : (Ia princesse d’Este) : « Et avec son grand air patricien : « N-i, ni, c’est fini. » Clin d’oeil. Mais est-il volontaire?
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@Monsieur Court
Rastignac s’appelle Eugène. ce que je n’avais jamais retenu et confirme ce que je disais. A 48 ans est pair de France et a été deux ou trois fois ministre. (notez qu’au mitan du XIXéme siècle, à 48 ans, si l’on est un homme, on est entré dans la vieillesse). Il épouse pour finir la fille de Delphine de Nucingen son ancienne maîtresse et 1er levier social, apparemment sans états d’âme.
Comme vous évoquez Maupassant, on est loin des affres et des tourments de « Fort comme la mort ! »
@Paul et Elena
Si je suis vos citations extraites de la correspondance de Tchékhov, je dirais très égoïstement qu’il apparaît heureux pour nous lecteurs du XXème et du XXIème siècle et amateurs de soirées goûteuses face à une scène et des comédiens qu’il n’ait douté que dans ses lettres, ait persisté et n’ait pas détruit ses écrits de théâtre.
A moins qu’il n’ai fait partir en fumée quelques pièces ? En fait-il état dans ses notes de travail, échanges avec ses correspondants ? Savez-vous cela ?
Sinon l’un d’entre vous a-t-il vu « Guermantes » de Christophe Honoré ? La troupe de la comédie française tente de monter une pièce adaptée d’A la recherche du temps perdu.
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« Peladan sans le ridicule ». Excellente formule, encore qu’on sache depuis quelque temps qu’il savait en jouer à des fins publicitaires ( Rose-Croix fin de siècle, etc. Bref , parfois un côté Gaston Lagaffe contrôle). Mais dans les romans , non. Et c’est très curieux car le nouvelliste qui signe sous le titre très Barbey de Marquis de Valognes écrit un excellent recueil de nouvelles rosses d’où tout ésotérisme est banni. On est là plus près de Maupassant que de Huysmans période diabolique. Il est possible que le projet d’écrire avec la Décadence Latine une sorte de Comédie humaine de l’ésotérisme ait écrasé le littérateur. Lequel eut pu donner quelque chose en nouvelliste rosse…Saluez de ma part Mr Potocki et l’ombre de Saragosse. MC
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Oui, c’est vrai. Anne-Marie Baron éclaire bien des choses passées inaperçues chez ce « réaliste ». Mais, pour moi, l’un des moments prodigieux de l’oeuvre est l’ouverture (oui, au sens quasi musical) de Sarrasine où de la contemplation par le narrateur du parc glacé de l’hôtel, le regard glisse vers la chaleur dorée des salons, leurs éclats de voix et de lumière, et dans ce glissement, soudain, l’inquiétante étrangeté… cet être , anticipation des marionnettes de Péladan. Sans le ridicule.
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Alors d’accord. Cela m’étonnait aussi. Cela dit, on pourrait citer aussi Maxime de Trailles, le dandy du Quai d’Orsay,Nathalie de Maufrigneuse qui affronte un Vandenesse mûri dans Le Contrat de Mariage, et quelques autres, parfois comiques – ´Pierre Grassou- ou parfois hante par leur quête : un Claes dans la Recherche de l’Absolu, un Frenhofer dans le chef d’œuvre inconnu. Il y aurait aussi une lecture un brin ésotérique a faire du Lys, qui n’est pas qu’un roman de puceau, ou qui ne l’est que parce que Balzac entend illustrer ici quelques convictions personnelles héritées de Swedenborg. Même chose plus accentuée dans Seraphita, que j’aime beaucoup..,.La dessus le Balzac occulte d’Anne Marie Baron met les pendules à l’heure…
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@MC
« Le retour des personnages est l’idée qui a rendue possible la Comédie Humaine. »
oui … mais ce que je voulais dire est que Rastignac a un succès et une renommée au point de devenir un nom commun dans notre langue alors que son personnage ne me semble pas fouillé comme certains autres. Félix, Lucien, Raphaël, Balzac nous les donne à voir dans tous leurs états. à rire, à se lamenter, au sommet, dans la mouise, dans l’embarras, à fanfaronner, à faire leur cour, à pleurer, à se rebeller, à hésiter. en société et à table, dans leur salle de bain, dans leur chambre, au lit, au réveil, en habit, en pyjama, etc.
Vautrin et Nucingen qui traversent la Comédie humaine ont plus de consistance.
@Paul
J’ai lu La Rabouilleuse que j’ai pris plaisir à lire sur le moment … mais ne tente pas de me ramener vers Balzac (où il y a tout, mais tout, je sais, je sais) alors que je suis en train de voter mon tout nouveau « plan quinquennal » de lecture : A moi l’Afrique ! 😉
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Margotte, lisez le renversant roman « La Rabouilleuse » d’un Balzac faisant chauffer à blanc les passions les plus tordues derrière les persiennes de la province,puis décrivant ce que Balzac appelle « ces scènes ensevelies dans les mystères de la vie privée » dont il multiplie les scènes les plus louches.. .Roman d’une audace dans les situations sexuelles (la femme trouve un gigolo pour palier aux déficiences de son crétin de mari, un vieux médecin élève une fillette de treize ans dans une grande perversité,etc etc..) ce qui a du faire reculer plus d’un cinéaste fou de Balzac. Il faudrait un Verhoeven pour filmer ça.
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Mais Margotte, Rastignac n’est pas le seul. Le retour des personnages est l’idée qui a rendue possible la Comédie Humaine. Moyennant quoi Balzac serait mort en appelant Bianchon. Mirbeau a une manière beaucoup moins romanesque de raconter les choses.Hugo ne l’a pas vu mourir et ne l’a jamais vraiment compris….
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« C’est un beau bébé romanesque … »
voire peut-être bien un sacré produit commercial ! (ce que l’on ne peut dénier à Balzac)
Je vous laisse …
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Enfin, quoique, non, pour être plus juste : Rastignac et sa destinée ne m’ont jamais intéressé, touché. ébloui (un jeune lion puis pair de France bien tête à claques). je ne m’en suis pas entichée comme une groupie, quoi.
Mais il a ceci de très original que pour reconstituer son vie, son cheminement, ses caractéristiques, son caractère , sa carrière, son enrichissement, ses stratégies d’évolution, d’ascension, le lecteur qui l’aime, s’il le désire, doit le suivre d’un livre à un autre, de très nombreux romans au total. C’est un beau bébé romanesque … Mais j’avoue que je n’ai pas suivi cette démarche systématique et me contente de noter, « tiens voilà Rastignac qui passe … » et de lire la Comédie Humaine tout à fait au hasard.
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Evidemment, je fais un peu de provocation … un tantinet populiste même. honte à moi. pour ouvrir la discussion. pas d’anti-intellectualisme ou anti-artistisme cependant. (mais que c’est pénible parfois les artistes et leurs bobos disons nombrilistes).
Achever un livre, un roman … c’est une de ces histoires de gestation, d’accouchement, de compagnonnage à caractère particulier.
au final un livre donc. des personnages (peut-être).
Un bébé/enfant symbolique.
qui appartient au final à l’auteur mais pas que … puisqu’il y a l’agent littéraire (s’il existe)l’éditeur, les lecteurs, la renommée des personnages et parfois au-delà leurs vies propres.
Regardez La bovary. on dit une « bovary » – – elle vit parfois sans Flaubert. mais l’écrivain lui a donné son roman à elle.
Regardez Rastignac. on désigne un ambitieux sous ce qualificatif. c’est un enfant de Balzac, mais pour moi, il n’a pas son roman d’envergure (où alors un sacré livre m’a échappé … !), il n’est pas si intéressant … contrairement à Lucien de Rubempré, à Félix de Vandenesse, Mme de Mortsauf, le Père Goriot ou Gobscek. et pourtant quelle renommée.
et cela ce n’était pas écrit si je puis dire … C’est amusant …
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voire on fait carrément le deuil d’un période, d’un projet.
J’ai connu des personnes chez qui la fin d’un projet pouvait être réellement problématique. cela fait partie des choses à apprendre, à accepter dans certains services en entreprise. finir un projet, en sortir, perdre de vue des personnes avec on a partagé des moments durs, d’engueulades, de risques, de solidarité, tourner la page, accepter un rythme moins soutenu, moins passionnant, passionné, passionnel, revenir à un travail plus quotidien, plus normal voire à une forme d’ennui. ou quand vous passez d’un mode start-up à une organisation plus traditionnelle, conventionnelle et classique de fonctionnement en entreprise, je ne vous détaille même pas ce que cela peut faire …
Je fais face régulièrement à semblables situations dans la mesure où elles font partie intégrantes de mon métier. De toutes les façons, on nous le demande. pas le choix. cela doit faire partie de nos compétences. pas le temps d’avoir des états d’âme. on ne démolit pas notre sensibilité mais on se fait une carapace.
ce que je dis est tout aussi valable pour une/un nounou qui durant trois années s’est occupée d’enfants avant leur entrée en maternelle d’ailleurs. les petits chaque jour, dépendants. et du jour au lendemain. partis. et la nounou intériorise la séparation, la fin de la relation, pleure sur son oreiller et se remet à bosser le lendemain avec le sourire, l’énergie. les petits si petits? il faut s’occuper d’eux. leur parler, les changer, les faire dormir, les nourrir.
halàlà, ô écrivains, ô artistes, quelles émotions, quel or, quel sel de l’humanité vous êtes, comme j’aime votre travail , vos oeuvres, mais que vous réfléchissez trop …
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Oh il ne s’agit pas que de finir les dernière pages d’un livre …
Je l’ai souvent constaté, quand on finit un important projet ou une action ardue qui s’est étendue sur la durée (par exemple aider au plus près un proche qui part en vrille, qui est en piteux état ou en fin de vie), ou la fin d’une grossesse ou l’équivalent – – – bref, quand on a attendu, douté, quand on a dû tenir, maîtrisé son humeur, ses nerfs, son moral, quand on a dû se contrôler dans l’adversité, quand on s’est mobilisé, concentré, oublié, défendu, donné avec intensité vers un but, une fin : on peut tomber malade ou dans une forme de déprime voire de dépression …
Pour moi, désolée, tout cela ne caractérise pas le fait d’écrire, d’être écrivain … nous aussi, gens lambda des abonnements au gaz connaissons cette expérience. 😉
Je me suis enfin décidée à terminer « les Années » de Virginia Woolf – – quel beau livre… quel ami réconfortant durant la pandémie.
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.
« Ma pièce (La mouette) a fait un four retentissant.il régnait dans le théâtre une pénible tension faite de perplexité et de honte. Les acteurs ont joué de manière infecte et stupide.
D’où la morale :nul besoin d’écrire des pièces. »
Lettre du 18 octobre 1896.
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Omnis scriptor post librum (post partum) tristis — praeter stultum sordidumque ?
« Ma pièce est terminée. Elle s’appelle La Mouette. Le résultat n’est pas fameux. Généralement parlant, je suis un piètre dramaturge. »
(18 novembre 1895, lettre à Elena Mikhaïlovna Chavrova-Ioust)
« Eh bien, ma pièce est terminée. Je l’avais commencée “forte”, je l’ai terminée “pianissimo” — à l’encontre de toutes les règles de l’art dramatique. Résultat, c’est une nouvelle. Je suis plus mécontent que content et relire ma pièce nouveau-née m’a une nouvelle fois persuadé que je n’étais en rien dramaturge. »
(21 novembre, à Alexeï Sergueevitch Souvorine)
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Beau texte ou les chats ont leur mot à dire. Tchekov dans l’écrin du lecteur, en quelque sorte.
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très beau
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